Faire de chaque concert de musique une véritable expérience tout en continuant de présenter les talents de la musique classique et contemporaine, du monde, de l’opéra et du jazz, voilà l’ambition de La Brèche festival. Proposer constamment des formats de concerts et des actions de médiation inédits, déplacer les œuvres et les publics pour partager le goût de la musique écrite quel que soit son genre ー et de la création en musique contemporaine. Le cadre géographique du grand sillon alpin, le patrimoine naturel et culturel de la région sont un écrin particulièrement riche pour élaborer une programmation ambitieuse et éclectique. Chaque édition propose un itinéraire qui mime une démarche, une pensée, une dramaturgie. Cette proposition renouvelle l’approche des oeuvres, leur performance, par l’espace, l’interdisciplinarité des arts entre eux, et la fréquentation la plus grande et diverse possible. Tout cela prend source et forme dans l’écart.
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Vous dites « placer, déplacer les oeuvres, les publics et les artistes », qu’entendez-vous par là ?
Antoine Thiollier : C’est la clef de voûte de notre programmation. Parvenir à une rencontre parfaite entre ces trois éléments : l’œuvre jouée, le public, l’interprète. Cela suppose de prendre en compte de nombreux paramètres et notamment la question des espaces pour les concerts et les autres formes que nous proposons. Ce qui apparaît parfois comme une originalité, une curiosité, une rupture se révèle après coup une évidence : il fallait jouer ça comme ça, ici avec tel artiste, comme ce concert où la nuit est tombée dans l’ancienne piscine au sud des Anciens Thermes Nationaux. Quand on réussit ça – c’est une recherche, un pari permanent – mais quand on réussit ça, on se dit qu’on a réussi à rendre vivant un festival, et au-delà, la musique avec tout ce que ça amène de clichés, de lourdeur. On cherche à aligner les planètes. C’est de l’astrologie, mais c’est calculé.
Pour autant, votre festival ne renonce pas aux grands concerts ?
Romain Louveau : Non, nous savons que nous sommes dans un « moment », une période de transition. Dans vingt, trente ans, peut-être que la forme du concert-donné-dans-une- salle-dédiée, qui est apparue récemment dans l’histoire, aura disparu. Mais elle correspond toujours à l’heure actuelle à un désir, une attente partagée entre les auditeurs et les artistes. On ne cherche pas à couper nos racines tous azimuts. Pour ces concerts, nous essayons d’apporter un plus, une ouverture non pas forcé mais poétique : ce que nous appelons, empruntant au théâtre, une dramaturgie musicale. Ce n’est pas à proprement parler donner au concert un sens unique et clair, car ce n’est pas comme ça que fonctionne la musique, qui, quel que soit son genre, est une affaire de sensation et de volupté et parle à tous sans besoin de mots. Il s’agit plutôt de faire de chaque concert un monde autonome avec ses règles du jeu, ses accidents, ses risques, sur le fil.
D’où vient cette idée de résidence ?
R.L. : Nous avions trouvé un espace, des lieux, des idées. Il fallait donner du temps au temps parce que la musique est un art du temps.
A. T. : Dans la plupart des festivals où nous intervenons, nous passons finalement très peu de temps sur place, au contact des spectateurs, des organisateurs, des bénévoles. Nous arrivons avec un programme, nous le jouons et puis nous allons le jouer ailleurs. C’est agréable mais ça n’est pas toujours suffisant.
R.L. : Avec l’aide des bénévoles, nous avons donc proposé aux artistes de rester plus longtemps avant et après leurs concerts afin de préparer le programme sur place au plus près des enjeux que nous leur fixons et que nous fixons avec eux. Cela nous permet une très grande flexibilité.
A.T. : C’est aussi pourquoi nous n’annonçons pas l’intégralité du programme à l’avance ; nous préférons entretenir des effets de surprise et nous revendiquons ce programme absent. En général, on discute beaucoup plus des oeuvres avec le public après le concert quand il ne s’attend pas à ce qui va être joué, que ce soit du grand répertoire ou non, un répertoire ignoré, des pièces contemporaines, une œuvre d’un compositeur en résidence, etc.